À travers les générations, l’action sociale a toujours été un catalyseur essentiel pour transformer les communautés. De l’acte simple d’aider l’autre aux manifestations humanitaires, chaque génération a trouvé sa propre manière d’agir. Avec un regard plus technologique, les jeunes générations telles que la Gen Z s’engagent différemment. Mais comment cette génération transforme-t-elle l'action sociale grâce au numérique ?
La Gen Z et le superpouvoir de changer le monde
Dans leur livre Generation Z Goes To College (2016), les auteurs Corey Seemiller et Meghan Grace définissent la Gen Z comme les personnes nées entre 1995 et 2010. Cette génération se distingue par ses motivations, ses styles d'apprentissage, ses compétences et ses préoccupations sociales, qui sont bien différents de ceux des générations précédentes.
La Gen Z est la première génération à avoir grandi avec une connectivité permanente. Ce privilège technologique a influencé leur estime de soi et permis de franchir des barrières géographiques, culturelles et sociales, nourrissant ainsi leur aspiration à changer le monde.

Mais, ce désir de changer le monde est-il uniquement nourri par le numérique ?
Bien que la Gen Z, ou les « zoomers » aient grandi dans un monde profondément connecté, il serait réducteur de penser que leur rêve de transformation sociale repose exclusivement sur leurs interactions avec les technologies numériques. En réalité, cette génération combine habilement les outils numériques avec des valeurs intergénérationnelles qui ont façonné leur conception du monde.
Chaque membre de la Gen Z a, à un moment donné, entendu ses parents lui dire : « Tu as passé trop de temps sur ton téléphone aujourd'hui ! ». Bien que ces remarques puissent sembler anodines ou critiques, elles pourraient avoir encouragé cette génération à s'engager dans des activités sociales et communautaires, essentielles au développement personnel.
C'est à travers ces traditions intergénérationnelles — comme donner des vêtements aux personnes dans le besoin, emprunter des livres à la bibliothèque ou confectionner des biscuits de Noël à partager avec ses proches — que les valeurs humaines fondamentales ont été transmises. Ces moments simples, mais significatifs, ont joué un rôle clé dans l'éducation émotionnelle et sociale des jeunes. Ils leur ont permis de se détacher du virtuel pour se reconnecter à des interactions humaines profondes et enrichissantes.
Au CODAC NB, à travers les ateliers « Familles engagées », nous observons l'impact de la transmission intergénérationnelle des actions sociales. Les personnes adultes jouent un rôle essentiel en tant que modèles positifs pour leurs enfants. Ces dernières sont fières de travailler main dans la main avec leurs parents pour aider les autres, ce qui renforce l'idée que les actions sociales sont un héritage qui se transmet de génération en génération.
Un exemple frappant de cet héritage est celui d'Autumn Peltier, militante autochtone écologiste issue de la Gen Z Radio-Canada, (2019). Elle a appris à défendre l’eau en suivant les enseignements de sa tante, Joséphine Mandamin. « Elle est ma plus grande mentore, mon héroïne », affirme Autumn, mettant en lumière l'impact profond de l'éducation intergénérationnelle dans son engagement pour la planète.
Ainsi, loin de se contenter d’un engagement numérique, la Gen Z s’appuie sur un héritage de valeurs et de pratiques qui, bien que renforcé par la technologie, trouve leurs racines dans les interactions humaines et les enseignements transmis par les générations précédentes.
Comment la Gen Z redéfinit-elle l’action sociale grâce au numérique ?
Des algorithmes pour une diffusion instantanée des informations
Les réseaux sociaux s'appuient sur des algorithmes sophistiqués qui optimisent la manière dont l’information est diffusée, permettant une portée exceptionnelle en un temps record. Ce mécanisme algorithmique offre aux jeunes de la Gen Z une réactivité instantanée : en un simple clic, un événement social ou une initiative peut être partagé et relayé à l’échelle mondiale.
Des communautés virtuelles pour le partage de valeurs communautaire
Dans l'ère numérique actuelle, les jeunes se tournent vers des espaces en ligne pour échanger et partager des valeurs communautaires. À travers des groupes privés, des forums spécialisés ou des pages dédiées sur les réseaux sociaux, ils cultivent un sens de solidarité et d’engagement collectif, transcendant les frontières géographiques. Cette dynamique révèle un nouveau modèle d'apprentissage social. Celui-ci se distingue par l'engagement virtuel, qui se conjugue avec la transmission de valeurs humaines, devenant ainsi un levier pour le changement social et la construction de communautés inclusives.
Un activisme inclusif décentralisé
Qu’il s’agisse de jouer le rôle de leader ou de membre engagé, l’important pour les jeunes de la Gen Z réside dans l’acte de contribution, même avec un « j’aime ». Ce modèle, qui s’affranchit des infrastructures physiques et des structures hiérarchiques traditionnelles, permet à l’action de se déployer rapidement et de manière plus fluide.
Cette décentralisation ouvre la voie à une inclusivité accrue, en brisant les barrières géographiques, sociales et économiques. Désormais, chacun·e, où qu’il se trouve, peut rejoindre un mouvement, soutenir une cause ou apporter sa contribution, qu’il s’agisse d’une action en ligne ou d’une initiative locale. Ce phénomène transforme la manière dont les causes se propagent et crée une plateforme ouverte à tous, peu importe leur origine ou leur statut.
En parallèle, cette approche décentralisée stimule la créativité. L’absence de contraintes logistiques permet à la Gen Z de libérer son imagination et d’expérimenter de nouvelles formes d’engagement.
D’après une enquête menée par GoFundMe (2024), 41 % de la Gen Z affirme que le contenu sur les réseaux sociaux les a incités à s'informer sur une cause ou à y faire un don, soulignant ainsi l’impact tangible de l’activisme numérique sur leurs comportements sociaux.
Cependant, bien que cette portée étendue soit un avantage majeur, l'engagement numérique peut parfois faire défaut en termes d'interaction directe et de relations humaines authentiques, caractéristiques des actions traditionnelles de terrain.
Dès lors, une question se pose : le numérique peut-il réellement remplacer les interactions humaines directes ?

La réponse, bien qu’évidente, reste non. Il ne s'agit pas simplement d'échanger des informations ou d'exprimer son avis sur un sujet ; l'interaction humaine va au-delà de ces aspects superficiels. Elle implique une écoute active, de l’empathie, le soutien des émotions et la présence constante auprès de l'autre. Ces dimensions profondément humaines sont difficilement reproduites derrière un écran.
Selon Statistique Canada (2022), plus de 65% des organisations à but non lucratif servant les ménages et les particuliers connaissent une pénurie de bénévoles, une situation qui reflète une tendance préoccupante pour l'engagement local. Pourtant, s'engager dans sa communauté offre aux jeunes une expérience significative qui enrichit leur développement personnel. Cela leur permet d'acquérir de nouvelles compétences, de tisser des liens intergénérationnels et de s'ouvrir à de nouvelles opportunités professionnelles et sociales.
Bien que le numérique soit un outil puissant pour étendre l'impact social, il reste complémentaire aux interactions humaines essentielles qui forment le cœur de l'action communautaire durable et de l'engagement authentique.
Aux générations Y, Z et Alpha : engageons-nous activement dans nos communautés locales, non seulement par des clics ou des mentions « j’aime », mais aussi par des actions concrètes et une présence physique, afin de renforcer véritablement les liens sociaux. Souvenons-nous que l’avenir de l’action sociale repose sur notre capacité à allier les bienfaits du numérique avec l’indispensable engagement physique, pour construire un monde plus solidaire et résilient.
Préparé par Arij El Fekroun, agente de projet pour le programme Familles engagées au CODAC NB
Références
Seemiller, C. et Grace, C. (2016). Generation Z Goes to College. Jossey-Bass.
Radio-Canada. (2019, 26 avril). Autumn Peltier : l’adolescente qui défendra l’eau des Grands Lacs. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1166477/anishinabek-defenseuse-protection-autumn-peltier-adolescente-cours-eau-nord-ontario
Go Fund Me. (2024). The Social State of giving. https://www.gofundme.com/c/socialgiving?utm_source=charitygiving&utm_medium=email
Statistique Canada. 2022. Enquête canadienne sur la situation des entreprises, quatrième trimestre de 2022. https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=3310061701&request_locale=fr